Petit, tout petit, je rêvais d’aller sur l’eau, pas dedans, dessus. Et tout ce qui flottait me fascinait. Jusqu’au jour où en vacances familiales à Mesquer, mon père m’a offert un stage de voile. C’était l’été qui précédait mon entrée en sixième : un stage d’Optimist, avec découverte du gréement d’un bateau, des allures expliquées sur le sable, du réglage des voiles, de quelques nœuds utiles, des amusants convois solidaires pour rentrer à la barge, mais surtout du calme qui s’établit lorsqu’on s’éloigne de la plage, avec pour seul compagnon le bruit de l’eau sur la coque et celui du vent qui fait claquer les voiles.
Et puis, j’ai été inscrit au club nautique des Dauphins, sur l’Erdre, à côté du rutilant SNO et de ses régatiers un peu arrogants, faut dire, leurs bateaux n’étaient pas les notres. Le programme du club n’était pas le même que celui du club voisin, ici, bateaux tirant un peu sur la fin, et pas une once d’esprit sportif, un club juste pour le loisir et le plaisir de la navigation à la voile. J’y allais été comme hiver, tant que l’Erdre n’était pas gelée, j’étais dessus tous les samedis, en survet’ et en baskets, même pas une petite combi pour avoir chaud après avoir dessalé. Et j’aimais ça, malgré la mauvaise humeur chronique de Loulou, le mono. Premiers balbutiements amoureux aussi, pas avec Loulou, cela s’entend.
Le club des dauphins partageait ses locaux (un grand garage, des douches et des vestiaires, les bateaux étaient dehors, dans un enclos) avec un club de kayak tout aussi à la roots où les mecs passaient leur temps à fabriquer leurs propres embarcations. Ça fleurait bon la résine autant que l’odeur de rat mort de l’Erdre.
A cette époque, c’était la fête quand on me laissait sortir en Topper, une sorte de Laser à étrave ronde et plate, vif quoi que moins sportif, moins rapide, plus petit aussi, mais très marrant et surtout manœuvré en solitaire. Et puis, il y avait les 445 et 470 que je préférais aux 420, les premiers étaient auto-videurs, et c’était assez cool de pouvoir sécher mes baskets un peu mieux que dans les autres bateaux du club.
Je suis monté en gamme arrivé au lycée, quittant le club des Dauphins pour celui d’EDF sur les plaines de Mazerolles. Là, les voiliers étaient neufs, les moniteurs nombreux, plus jeunes et les plaines offraient un peu plus d’espace pour tirer nos bords, et un vent un peu plus régulier du fait de la distance d’avec les arbres. Au ponton de ce club était amarré à l’année un magnifique Muscadet (croquis en visuel sur cet article), qui me faisait dire « un jour, j’aurai mon bateau ».
Et puis j’ai quitté le domicile familial et mon club de voile. J’ai bien essayé la planche pour continuer de sentir le vent, mais ça n’a pas bien marché sur moi, j’ai eu à me rabattre sur les bateaux pneumatiques de plage (Explorer 220, Sevylor KK65, même un Kayak à un moment) qui me permettaient d’aller voir de plus près les voiliers au mouillage, et de rêver un peu.
Là dessus la vie file son court, quelques rares journées sur le bateau des autres et me vantant de mes années sur l’eau à qui voulait l’entendre et osant parfois rappeler à mes interlocuteurs qu' »un jour, j’aurai mon bateau ». Jusqu’au jour où un copain qui m’avait entendu me dit « Ghismo, on va acheter un bateau ensemble », avec le Guide des Voiliers d’occasion (de 5 à 8m) sous le bras. L’idée est bonne, mais ça me prend un peu de court quand même.
C’était il y a deux ans, et cet été, le pas est franchi : j’aurai bientôt mon bateau !